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À l’OTAN, le Canada joue le va-t-en-guerre.

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

1 juillet 2022

À l’ouverture du sommet de l’OTAN, à Madrid, le ministre de la Défense de la Lettonie, pays où le Canada deviendra le porteur d’armes de l’OTAN, monsieur Artis Patricks « n’a pas maché ses mots quant à la menace impériale russe qui est aux portes de son pays. Nous devons tous comprendre, et les Canadiens à la maison doivent comprendre que l’Ukraine mène cette guerre pour nous tous… », rapporte Marie Vastel dans Le Devoir du 30 juin. Quelle hypothèse farfelue! On dira que cela va de soi, car l’OTAN est bel et bien une alliance politico-militaire, pas une organisation pour la paix.

Cette assertion du ministre s’inscrit dans la philosophie dite défensive de l’OTAN, mais il s’agit surtout d’une déclaration militariste offensive mise de l’avant par les États-Unis depuis plusieurs années pour favoriser l’entrée de l’Ukraine à l’OTAN, ce en contradiction avec les accords de Minsk. Le professeur Jeffrey D. Sachs, conseiller spécial auprès du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le rappelle dans un article paru le 2 juillet 2022 (Pressenza) : « Les néoconservateurs (américains) ont défendu l’expansion de l’OTAN jusqu’à l’Ukraine avant même que cela ne devienne la politique officielle des États-Unis sous George W. Bush Jr. en 2008. Ils considéraient l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN comme la clé de la domination régionale et mondiale des États-Unis. » Cette explication-clé explique en partie la présence militaire de l’OTAN, dont le Canada, en Ukraine bien avant l’invasion russe.

Le gouvernement de Justin Trudeau endosse la politique américaine sans sourciller, ce sous le prétexte d’une stratégie préventive; on sous-entend que la poursuite de la militarisation accrue de tous les territoires limitrophes à la Russie s’impose comme un allant de soi. Dans la conformité à ce credo militariste, un tel discours, à la fois alarmiste et arrogant, passe comme une lettre à la poste, même s’il illustre une profonde contradiction : tous les observateurs.trices, y compris les membres de l’OTAN répètent que la Russie a mal planifié l’invasion de l’Ukraine, gère mal ses forces armées et a déjà subi des pertes importantes, etc. Les stratèges de l’OTAN savent aussi que la Russie se retrouve profondément affaiblie et, d’une certaine manière, elle a déjà perdu sur plusieurs plans (diplomatique d’abord, politique, idéologique et économique). En d’autres termes, la Russie n’est absolument pas en mesure d’attaquer militairement un autre pays dans la conjoncture actuelle, surtout pas en étant engoncée dans le conflit avec l’Ukraine. En outre, personne ne peut sérieusement expliquer l’intérêt de la Russie à attaquer ses voisins. La position du ministre letton, sûrement endossée par les dirigeant.e.s de l’OTAN ne tient tout simplement pas la route.

Avec une telle offensive tactique sur le plan idéologique, L’OTAN cherche à écraser la Russie encore plus en poursuivant la construction de l’ennemi annoncé à nos portes comme une menace internationale afin de justifier la croissance continue de puissances militaires partout en Europe sous l’égide des États-Unis dans le rôle de gendarme. Cette démonstration de force vise aussi à montrer les gros bras des pays occidentaux riches devant la Chine et la Russie, pas à exprimer une position de négociation ou de dialogue.

 Les États-Unis se révèlent ainsi le grand gagnant. Premièrement, leur présence militaire stratégique en Europe s’accroît encore davantage, et ce rapidement. Deuxièmement, le contrôle du pétrole semble tourner à leur avantage en ayant obtenu de la part des Européens de travailler à réduire leur dépendance du pétrole russe (du coup les Américains limitent aussi l’impact du pétrole iranien, allié de la Russie, et renforcent leur lien avec les rois du pétrole, les Saoudiens). Les « pompistes » de l’or noir américain et canadien rêvent de plus en plus de se lancer à la conquête des marchés européens. Troisièmement, Joe Biden a gagné l’appui pratiquement inconditionnel des membres de l’OTAN pour diriger les affaires de la guerre et surtout gagner l’opinion publique à son rôle guerrier, ce sans débat public. Quatrièmement, le renforcement de l’OTAN fournit des munitions aux États membres pour contourner l’ONU et sa Commission de sécurité pour aller toujours plus avant dans des politiques guerrières destructrices au nom d’une insécurité érigée en dogme.

Dans ce contexte, la position du gouvernement canadien en est une de soumission; nos ministres se disent très fiers d’augmenter les dépenses militaires et de contribuer au renforcement de la force de frappe dirigée par nos grands voisins. Ils le font sans débat à la Chambre des communes et sans aucun respect de l’opinion des contribuables qui doivent payer cette militarisation outrancière.

Dans aucun cas, on n’évoque la contribution du Canada à la paix. Le gouvernement canadien a déjà eu cette réputation d’être un pays promoteur de la paix avec les brigades de « Casques bleus » ou avec l’opposition à la guerre en Irak quand le premier ministre Jean Chrétien s’était opposé à Georges W. Bush. Le gouvernement canadien actuel adopte plutôt des positions militaristes conservatrices et suivistes. Les États-Unis battent la mesure et le Canada joue la partition imposée. Jamais, nos élu.e.s ne parlent de la recherche de paix comme une perspective à mettre de l’avant. Le simple mot paix semble devenu le mot en « p » qu’il ne faut pas dire… Complicité idéologique oblige.

Pourtant, dans un contexte de guerre, le droit de vivre en paix devrait être reconnu comme un droit fondamental à rappeler pour tous les peuples, y compris la Russie, mais nos dirigeant.e.s actuels, envoûté.e.s par les sirènes de la guerre, n’ont aucune stratégie en ce sens. Le gouvernement canadien pourrait, s’il avait une position claire, promouvoir la paix tant dans l’opinion publique que dans les arcanes du pouvoir. En ce sens, plus que jamais, les stratégies et les tactiques de communication doivent jouer un rôle prépondérant et sortir de la pensée unique de la propagande qui se limite à la promotion de la guerre comme seule issue d’un conflit.

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