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Les immigrant.e.s menaceraient le français… Pitoyable!

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

30 septembre 2022

Devant la montée du nationalisme identitaire et des politiques grandissantes d’exclusion et du rejet de l’autre un peu partout en Europe, au Québec, le premier ministre et son ministre de l’immigration dansent main dans la main dans cette mouvance contraire au respect des droits des immigrant.e.s. Leur discours va dans le sens contraire de la promotion de rapports sociaux harmonieux et respectueux entre gens de diverses origines, langues, religions, couleurs de la peau, etc. En cette année 2022, l’appel de l’ONU a comme thème « Mettre fin au racisme, bâtir la paix » comme condition de la construction de la paix; ce thème devrait inspirer les élu.e.s de la CAQ et tous les porteurs de discours sur la place publique.

Le discours de la CAQ à l’égard des immigrant.e.s est déplorable, pitoyable, faux et surtout inacceptable tant il est méprisant, insultant et porteur d’intolérance. Ce n’est pas le fruit du hasard ou une mauvaise façon de s’exprimer comme le prétend le ministre de l’immigration: ce type de discours creux sonnait ainsi bien avant la campagne électorale. Quand immigration rime avec menace, violence, suicide de la « nation » (sous-entendu la majorité francophone), le risque de discrimination croit avec l’usage de termes inappropriés. Aujourd’hui, le message à faire passer ressort assez clairement : les immigrant.e.s seraient le facteur principal du déclin du français et porteraient atteinte à l’intégrité de la nation. Un tel discours simpliste et réducteur constitue une insulte à l’égard de tous ces nouveaux citoyens et nouvelles citoyennes venus du monde entier qui, non seulement, apprennent le français, mais qui arrivent souvent en parlant un français impeccable.

Insulte à l’égard de tous ces immigrant.e.s qui œuvrent dans les hôpitaux, les écoles, les services sociaux, les entreprises, le domaine des arts, etc.

Insulte aussi à l’égard de tous ces professionnels.elles et ces bénévoles qui déploient leurs compétences pour assurer un apprentissage adéquat du français.

Insulte aussi à l’égard des organismes communautaires qui font des miracles avec peu de ressources pour enseigner le français aux personnes immigrantes.

Le discours de la CAQ sème l’intolérance et les germes de la discrimination, ce qui va justement à l’encontre de l’intégration si chère à la CAQ. D’ailleurs, en martelant constamment qu’il faut mieux intégrer (dans le regard caquiste, comprendre assimiler) les immigrant.e.s, la CAQ part d’une assertion douteuse : les immigrant.e.s s’intègrent peu ou mal et ne se conforment pas à NOS valeurs (notions vagues à souhait). En voulant conforter sa base dans des préjugés dépassés et inacceptables à l’égard des immigrant.e.s, il envoie un message fort : « parlez comme nous, soyez comme nous », sinon vous faites partie des exclu.e.s, stigmatisé.e.s.   La CAQ tranche; il y a eux et nous, les vrai.e.s Québécois.es avec notre français et nos valeurs et les autres.

Et si les causes des problèmes étaient ailleurs. Le charabia de la CAQ sur l’immigration cache mal ses faiblesses de ses stratégies de promotion du français. Premièrement, les uns après les autres, les gouvernements successifs ont fait bien peu pour renforcer le français comme langue de travail. Deuxièmement, depuis plusieurs années déjà, des milliers de « pure laine » choisissent l’anglais dans leur éducation sous le prétexte que l’anglais est la « langue des affaires », de la richesse, de la culture hautement américanisée, du succès, de la culture dominante, etc.  Troisièmement, d’un gouvernement à l’autre, le soutien à la francisation a souvent souffert de changements de politiques, de programmes et de coupures budgétaires. Quatrièmement, le déclin démographique et le vieillissement de la population contribue aussi à changer la donne. Cinquièmement, la fameuse régionalisation qui enlumine tous les discours politiques en ce moment est un miroir aux alouettes; dès le début des années 90, cette stratégie était déjà évoquée comme une solution magique. Il s’agit d’un leurre, une coquille vide, car aucun gouvernement antérieur, et encore moins la CAQ, a vraiment pris cette stratégie au sérieux. Il n’existe pas de politique ni de programme sérieux de régionalisation, car elle exige des structures d’accueil sur le plan social (emploi, hébergement, services de santé,  scolaires et de garde, organismes d’accueil, organisations sportives, etc.), sur le plan économique (soutien à la création d’emplois dans les régions, soutien aux personnes immigrantes qui doivent déménager, etc.), sur le plan culturel (facilitation d’échanges avec les populations locales, programmes de formation et de sensibilisation sur la tolérance et le racisme, etc.). Actuellement, c’est plutôt le laisser-faire, l’indolence ou bien on confie cette responsabilité à quelques grandes entreprises en mesure de s’occuper de leur personnel. À l’exception de certaines initiatives soutenues par des municipalités régionales de comté et quelques municipalités, la régionalisation reste un chantier vague jamais achevé.

En résumé, le discours caquiste est préjudiciable à la paix sociale. Ça suffit de répéter ad nauseam: c’est la faute des autres si le français décline. Qu’on se regarde dans le miroir!

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