Sélectionner une page

Blogue

La petite larme du premier ministre Legault.

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

3 novembre 2023

Article publié dans Le Devoir, 3 novembre 2023 et l’Aut’journal, 3 novembre 2023.

« C’est sûr que ça me fait de la peine de voir la baisse d’appui des Québécois à mon égard. J’en prends toute la responsabilité… » Telle est la principale bribe d’analyse du premier ministre devant la baisse de sa popularité. Désolant.

Je n’ai pas du tout la larme à l’œil devant une réaction aussi enfantine que pusillanime. Il devrait pourtant questionner l’orientation et surtout l’agir de son gouvernement affairiste. Cette baisse repose sur plusieurs motifs.

Premier motif : son incapacité à analyser la dynamique socioéconomique avec justesse; sa compréhension du développement durable est déficiente parce qu’elle repose sur une conception qui ne correspond pas aux préoccupations actuelles urgentes dans le contexte de la crise climatique. Le propos n’est pas en phase avec les préoccupations d’une grande partie de la population. Il ne voit que les solutions à caractère économique et technique fondées sur des idées de grandeur. Le plus bel exemple est sa présentation de la méga-usine de Northvolt dans des discours ronflants; il s’agirait, à son avis, d’une avancée extraordinaire pour l’avenir, un projet digne des grandes réalisations québécoises des années 60 et 70, un projet inégalé et historique et tutti quanti. Mieux encore, semble-t-il, on verra ici LA stratégie par excellence pour inscrire le Québec dans l’économie verte avec un projet fondamentalement basé sur la production de batterie pour les « chars ». Pour aller de l’avant, on adopte un décret pour ne pas soumettre le développement de cette société transnationale à une évaluation environnementale par le BAPE. En outre, on oublie toutes les protections environnementales et les consultations des populations concernées. Et vogue la galère en détournant le regard du phare que représentent des mesures de précautions. Au contraire, on oublie tout ça au nom de la création d’emplois payants… En prime, le premier ministre se plaît à dire qu’il s’agit d’une grande réalisation québécoise, mais il se lie les mains à Northvolt. Chercher l’erreur.

Deuxième motif : la baisse de popularité provient des nombreux changements de cap à répétition et les nombreuses promesses non respectées. Les oublis des promesses s’inscrivent en droite ligne avec l’adoption de positions contradictoires. Alors que le premier ministre exempte Northvolt de consultations populaires, le lendemain de la défaite de son candidat dans la circonscription de Jean-Talon, il ressort le projet du 3e lien et, dans la même phrase, il annonce une consultation. Difficile de suivre une girouette pour comprendre la direction à prendre… Ça sonne faux.

Troisième motif : le faux vernis écologiste de la CAQ. Sans grande surprise, le gouvernement bricole de fausses solutions. Le cas de la fonderie Horne en fournit un bel exemple. Il a leurré les citoyens et les citoyennes de Rouyn-Noranda en laissant croire qu’il allait agir ne profondeur alors que les solutions ressemblent à du maquillage de la réalité. Dans le développement agricole, forestier et industriel tout autant que dans la protection de la faune et de la flore, on peine à comprendre où ce gouvernement nous conduit. Une stratégie est claire quand il s’agit d’entreprises privées, le premier ministre, avec sa jovialité habituelle, se met à genoux pour leur signifier qu’il est bel et bien à leur service.

Bien sûr, il faudrait ajouter beaucoup d’autres motifs, mais en résumé, les discours lénifiants et les réponses insignifiantes ne suffisent plus à masquer le vide argumentaire. Le dernier exemple dans la longue liste : devant les revendications du front commun syndical et celles des villes qui se questionnent sur le développement des transports publics (ce qui devient une priorité dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques), le premier ministre répond tout simplement : l’argent ne pousse pas dans les arbres… La capacité du gouvernement est limitée… etc. Il en va ainsi dans plusieurs dossiers.

En conclusion, on se demande s’il peut présenter une analyse rigoureuse face à des situations complexes qui va plus loin que des clichés simplistes. C’est justement sa responsabilité de montrer plus de hauteur.

Vous pourriez aussi aimer…

Abonnez-vous pour ne rien manquer !

0 commentaires