Article paru dans Le Devoir du 9 septembre 2022.
Dans sa déclaration sur l’immigration du 7 septembre dernier, le premier ministre Legault a forgé un amalgame de préjugés grossiers et injustes à l’égard des immigrant.e.s en associant l’immigration à l’extrémisme et à la violence en opposition aux Québécois.es qui, par conséquent seraient pacifiques et non violents. L’immigration serait donc dangereuse, non avenue au Québec et elle menacerait notre « façon de vivre ». Quelle insanité! Quel renforcement de préjugés!
La violence criminelle n’est pas l’apanage d’immigrant.e.s. Truisme que de rappeler que la criminalité « pure laine tissée serrée » est bien implantée au Québec depuis fort longtemps et elle est toujours le lot d’une minorité d’individus.
Les immigrant.e.s et les réfugié.e.s ne se caractérisent pas à la manière de produits d’importation étiquetés comme des « cans de beans » qui arrivent avec toutes les qualités parfaites requises pour être conformes aux « valeurs québécoises » (notions fort vagues par ailleurs). Limiter les perceptions à des bras prêts à bosser à des fins économiques ne révèle pas une conception plus brillante de l’immigration. Le Québec accueille des citoyens et des citoyennes qui n’ont rien coûté à la société avant leur arrivée; ils ont reçu éducation et soins dans leur pays d’origine pendant 10, 15, 20 ou 30 ans sans que le Québec débourse un sou. Et à leur arrivée, on les veut parfait.e.s sur tous les plans et ils.elles devraient parler français en six mois. Autant dire que l’on cherche la quadrature du cercle.
Les affirmations spontanées du premier ministre forment un tricotage d’insultes à l’égard des milliers de personnes venues d’ailleurs qui contribuent au développement de ce pays. À titre de vice-président de l’organisme Accueil Multiethnique et Intégration des Nouveaux Arrivants à Terrebonne et Mascouche (Aminate), je me sens profondément blessé et humilité au nom de la formidable équipe d’intervention composée de personnes venues de divers pays (Algérie, Maroc, Colombie, Roumanie et Sénégal) auxquelles s’ajoutent des natifs d’ici et les nombreux bénévoles qui travaillent d’arrache-pied avec des moyens limités pour soutenir l’intégration et la francisation de milliers d’immigrant.e.s et de réfugié.e.s dans le Sud de Lanaudière. Nous travaillons ferme pour permettre à tous ces gens de s’intégrer à la région, ce grâce au soutien du ministère Immigration, Francisation et Intégration (MIFI) de l’appui des deux villes concernées et de la Municipalité régionale de comté des Moulins. L’action ne s’arrête pas là; AMINATE accorde du soutien à des entreprises qui embauchent des travailleurs.euses qui arrivent d’ailleurs et fait un travail de sensibilisation auprès des services publics (écoles, services de police, etc.). Malgré tout, chaque jour, nous tentons de faire des miracles avec des ressources financières limitées.
La francisation requiert temps et ressources, ce que les gouvernements successifs n’ont pas bien compris depuis des décennies. En 1991, un colloque sous le thème « Les personnes immigrantes : partenaires du développement régional » avait eu lieu à l’Université du Québec en Outaouais et nous discutions alors de toutes les questions que les politiciens.ennes d’aujourd’hui reprennent comme des nouveautés. Pourquoi? En raison de l’indolence et du laisser-faire de tous les gouvernements depuis ce temps. Au contraire, au fil du temps, on a réduit les fonds alloués à la francisation perçue comme une dépense et non comme un investissement fondamental. Dans certains milieux, on véhicule même la pensée magique que la francisation sur les lieux de travail suffirait. Il est plus que temps de voir le Québec se réveiller et d’INVESTIR dans la francisation à la mesure des besoins criants.
Oui, l’intégration est un défi. Qu’on y mette le prix et le temps requis. L’intégration correspond à un processus multidimensionnel qui dépasse la simple francisation. L’intégration repose sur le développement des capacités d’une personne à participer à la vie sociale, culturelle, économique, institutionnelle et… politique. Au-delà de la francisation, il faut INVESTIR dans les communautés sur le plan social et culturel. INVESTIR aussi pour contrer ce mal (non reconnu par la CAQ) qu’est le racisme.
Au lieu de ne voir que les bras des personnes immigrantes, retenons surtout l’ouverture de leur cœur et la vivacité de leur créativité pour s’adapter et s’intégrer. En somme, l’intégration ne relève pas que de la responsabilité des organismes communautaires, mais bien de l’ensemble de la société. L’État et son représentant doivent donc souffler le ton… positif.
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