À chaque fin d’année ou au début d’une nouvelle, la coutume veut que l’on fasse un bilan de l’année et que l’on formule des vœux. Je me conforme à la tradition, maintenant plus virtuelle que « présentielle » et je partage quelques réflexions.
Depuis l’arrivée de la Covid dans nos vies, j’ai souvent entendu des gens poser la question suivante : à la fin des effets néfastes de la Covid, allons-nous « revenir comme avant? Formulée ainsi, l’expression présente une tournure étrange, voire paradoxale. Le verbe revenir signifie rejoindre le point de départ antérieur, revenir quelque part après un voyage, etc. En un mot, il s’agit de retourner à un lieu connu ou familier ou se déporter à une époque passée, même si personne n’a jamais revécu son passé; puisque la dictature du sablier nous porte toujours vers l’avant. Il est donc impossible d’imaginer qu’il pourrait s’agir de toujours faire demi-tour et chercher notre point de départ. Vérité de La Palice. Vivre tourné vers le passé nous condamne à tourner en rond. En général, l’incertitude, l’insécurité et la peur du devenir, inconnu per se, incite les gens à poursuivre leur vie selon de vieilles habitudes; le conservatisme est sécurisant. Dans Germinal, Émile Zola, a créé une phrase éclairante en parlant des misérables charbonniers dont le couple Maheu : « tous deux, au moment d’agir, malgré l’injustice de leur misère, retombaient à la résignation de la race, tremblant devant le lendemain, préférant encore plier l’échine.»
J’ai traversé plusieurs époques et je me rappelle des pages de mon enfance dans les années 40. Depuis, la croissance fut comme une fuite en avant sur tous les plans (social, culturel, économique et politique). Ma mère enseignante à l’école du rang de 1932 à 1940 vivait sa profession avec amour et dévouement au pays du roman d’Arlette Cousture, Les filles de Caleb. Elle ne pouvait pas encore voter et en se mariant, en 1940, elle perdait son droit d’enseigner; une femme mariée ne pouvait plus enseigner (et dire qu’elle ne portait pas de foulard…). Elle devait se consacrer à sa famille, prendre la responsabilité de la marmaille (12 naissances au nom de la morale janséniste de l’Église catholique conservatrice de l’époque et… pour le salut « démographique » de la patrie, de la nation et de la langue), de la cuisine, de la lessive, du ménage, du potager, des animaux, etc. Toute sa vie durant, elle a déploré le fait de s’être fait voler sa carrière. Comme consolation, elle a vu arriver la loi pour le droit de vote des femmes en cette année 1940. Depuis, heureusement, la condition des femmes a changé grâce à de nombreuses luttes féministes.
Mon père, n’ayant fréquenté que l’école primaire, est devenu bûcheron à l’âge de 14 ans. Son rêve était de devenir charpentier-menuisier, mais il est devenu fermier par défaut pour éviter la conscription. Un fermier en était exempté afin qu’il puisse contribuer à l’effort de guerre. Il a finalement mené les deux métiers de front après avoir appris le métier de menuisier-charpentier avec mon grand-père maternel, lequel avait acquis sa formation aux États-Unis lors de son émigration dans ce pays durant quelques années.
Mes vœux sous un regard quelque peu nostalgique…
À la ferme, dans le rang Côte-St-Paul, à Saint-Séverin-de-Proulxville, dans les années 40, le mode de vie se conjuguait selon les conditions paysannes de l’époque durant la guerre 1939-1945. Dans notre petit monde, aucun fermier ne possédait une automobile; les chevaux régnaient encore sur les modes de déplacement. Les trains circulaient encore entre les villages, mais leurs sifflets allaient bientôt se taire, car l’automobile a vite commencé à s’imposer, surtout à partir des années 50. Mes parents ont acheté leur première voiture en 1952. Finis les longs trajets en traîneau pour aller visiter les grands-parents à 15 kilomètres de la maison dans « l’temps du Jour de l’An » parce qu’il s’agissait d’un rituel incontournable; les pierres chaudes et les peaux d’ours nous gardaient assez bien au chaud… Poudrerie ou pas, il fallait les visiter.
Autre tradition, les cartes de souhaits servaient de lien entre les parents et les ami.e.s établis un peu partout dans le canton. Elles apportaient les souhaits et les invitations aux fêtes pour les fêtes et les repas traditionnels gargantuesques. Le facteur, dit le « postillon », s’avérait un personnage irremplaçable; entendre les clochettes de son traîneau s’approcher de la maison devenait un moment de joie, car il apportait des nouvelles, des cadeaux, et les commandes faites dans les catalogues des grands magasins (Dupuis et frères, Eaton et Simpson). Les achats en ligne ont eu des prédécesseurs…
« C’était la belle époque », disait-on, mais mon père répétait plutôt jusqu’à la fin de sa vie à qui voulait l’entendre : « c’était plutôt l’époque de la pauvreté.» Les routes restaient enneigées durant tout l’hiver, les gens tiraient l’eau d’un puits, les maisons n’avaient pas de chauffe-eau, toute la chaleur dépendait du bois et beaucoup de commodités faisaient défaut. En outre, personne n’avait le téléphone et encore moins un téléviseur (la télévision a commencé à entrer dans les foyers à partir de 1952), mais la radio apportait les nouvelles du monde, la musique et les chansons traditionnelles. Les bouleversements furent très rapides sur le plan économique, social et culturel. Les conditions de vie des paysans ont connu un essor formidable très rapidement.
En 1948, le manifeste du refus global s’est avéré un coup de semonce au conservatisme. Une page en montre bien le sens:
« Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes.
Des vertiges nous prennent à la tombée des oripeaux d’horizons naguère surchargés.
La honte du servage sans espoir fait place à la fierté d’une liberté possible à conquérir de haute lutte.
Au diable le goupillon et la tuque!
Mille fois ils extorquèrent ce qu’ils donnèrent jadis.
Par-delà le christianisme, nous touchons la brûlante fraternité humaine dont il est devenu la porte fermée.
Le règne de la peur multiforme est terminé.
Dans le fol espoir d’en effacer le souvenir, je les énumère:
peur des préjugés – de l’opinion publique – des persécutions – de la réprobation générale
peur d’être seul sans Dieu
et la société qui isolent très infailliblement
peur de soi – de son frère – de la pauvreté
peur de l’ordre établi –
de la ridicule justice
peur des relations neuves
peur du surrationnel
peur des nécessités
peur des écluses grandes ouvertes
sur la foi en l’homme –
en la société future
peur de toutes les formes
susceptibles de déclencher
un amour transformant
peur bleue -peur rouge -peur
blanche: maillons de notre chaîne. »
Et puis vint la révolution tranquille des années 60, le Concile Vatican 11 qui allait faire tombeau la chape de plomb de l’Église catholique, l’établissement de l’État- providence et un ensemble de réformes qui allaient faciliter l’éducation jusqu’aux universités avec la création de l’Université du Québec en 1969. Les changements furent profonds et durables. Les générations actuelles en profite toujours.
En somme, à la lumière de mon expérience, je constate que la vie repose sur l’inconnu des sentiers à découvrir. La peur de l’inconnu se révèle souvent un frein au changement. En regardant en avant de soi, on découvre de nouvelles manières d’être fondées sur l’espérance d’un avenir meilleur. Le plus bel exemple du regard en avant appartient à la personne qui décide de quitter son pays pour poursuivre sa vie ailleurs. Elle dépasse ses craintes et ose prendre le risque de l’éloignement de la famille et des ami.e.s tout en modifiant ses habitudes de vie et ses références identitaires sécurisantes. Redéfinir des objectifs de vie exigent courage, détermination et espérance. Toute personne ayant vécu l’émigration le sait mieux que quiconque.
Aujourd’hui, est-il encore possible de faire du sur-place? Au cours de l’année 2021, tout semble indiquer que le monde tourne en rond… comme avant. L’élection du gouvernement fédéral en représente une illustration criante; le gouvernement voulait obtenir un soutien populaire, mais il s’est retrouvé au même point qu’avant. Dans la course effrénée à la croissance en continu sur le plan économique, les fuites en avant sont légion pour reproduire les erreurs du passé ou marcher dans les mêmes ornières du peu de respect de l’environnement, du maintien de la surconsommation, de l’enrichissement d’une minorité qui s’enrichit de plus en plus en élargissant le fossé des inégalités sociales et économiques.
NOUS NE SOMMES PAS SEULS.
La beauté du monde dans lequel nous souhaitons évoluer repose entre nos mains.
Restons optimistes! Souhaitons-nous de poursuivre notre action individuelle et collective en contribuant au mieux-être d’un monde en paix, en travaillant pour la justice sociale, avec une solidarité constante dans le respect des différences!
Protégeons l’environnement, cette terre qui nous accueille, chacun et chacune avec nos ressources et un haut sens des responsabilités!
Que l’année 2022 soit riche de changements positifs malgré le confinement et les moments de nostalgie!
Concluons par un extrait du manifeste du refus global en nous accompagnant d’un chant de Noël particulier:
PLACE À LA MAGIE! PLACE AUX MYSTÈRES OBJECTIFS!
PLACE À L’AMOUR!
PLACE AUX NÉCESSITÉS!
Estimado André, Muchas gracias por tu saludo virtual, por compartir tus reflexiones sobre evolución histórica del último siglo en Quebec, y sobre todo por ofrecerme el acceso a tu página. Gracias también por invitarme a caminar en tus recuerdos de infancia y en tu historia familiar. Me parece muy interesante comprobar como llevas en ti el ecologismo, que seguramente impregno en ti tu padre campesino, y entender que tu generosidad para compartir el saber es una continuidad del amor por la enseñanza de tu madre.
Estoy de acuerdo que no hay, y no debería haber, vuelta atrás después de la COVID, que no debería ser como antes. Evidentemente será algo nuevo y Estimado André, Muchas gracias por tu saludo virtual, por compartir tus reflexiones sobre evolución histórica del último siglo en Quebec, y sobre todo por ofrecerme el acceso a tu página. Gracias también por invitarme a caminar en tus recuerdos de infancia y en tu historia familiar. Me parece muy interesante comprobar como llevas en ti el ecologismo, que seguramente impregno en ti tu padre campesino, y entender que tu generosidad para compartir el saber es una continuidad del amor por la enseñanza de tu madre.
Estoy de acuerdo que no hay, y no debería haber, vuelta atrás después de la COVID, que no debería ser como antes. Evidentemente será algo nuevo y que marcara pasos importantes en la ciencia, en la salud pública, en la economía, en la política, en la filosofía, en la solidaridad humana, etc.; todo marca nuestra evolución como humanidad, y con mayor razón esta pandemia que ha impactado tan dolorosamente en todo el planeta. Sería como decir que después de terminada la segunda guerra mundial, hubiésemos vuelto a los años treinta, y no reconocer, entre otros; los grandes avances científicos y sociales, o la reacción internacionalista de los pueblos que adoptaron la bandera de la paz, alzándose como contrapeso a la belicosidad ideológica del pasado (tarea a continuar).
Feliz año para ti e Irene; paz, salud, optimismo y tranquilidad. En general todo lo mejor que puedan imaginar.
¡Un gran abrazo, compañero!
Nelson Vargas
Merci pour ce blogue qui nous rappelle d’où nous venons
Quel magnifique texte André!
Inspiré et inspirant.
Cher André,
c’est toujours un plaisir de te lire! Tes écrits font réfléchir, inspirent et nous poussent vers l’avant! Continue! Ça fait du bien!!
Annie
Quel beau texte pour ces voeux de début d’année 2022.
Merci André pour cette belle mise en perspective de tes origines et du cri du Refus global, si essentiel.