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La propagande politique de la CAQ.

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

11 août 2022

Article paru dans Le Devoir du 11 août 2022.

https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/743760/la-propagande-politique-de-la-caq

Depuis quelques semaines, la publicité de la CAQ repose sur les propos de député.e.s et de quelques figurant.e.s non élu.e.s transformé.e.s en thuriféraires du premier ministre Legault. Dans des capsules simplistes, leurs messages consistent à vénérer le premier ministre et à en chanter les louanges : il écoute, il décide, il agit, etc.  Le député de Blainville se fait même prophète en annonçant que le premier ministre deviendra « intouchable ». François Legault serait-il devenu un dieu? Ce député nous demandera-t-il de croire au sauveur de la nation sans même connaître ses dix commandements et ses dogmes? C’est ainsi que l’on cultive bêtement le culte de la personnalité.

Plusieurs tactiques de ces mises en scène correspondent aux créneaux élémentaires de la propagande politique. Premièrement, le panégyrique des députés fait appel à l’instinct grégaire des gens pour installer une sorte de conformisme basé sur l’adhésion à l’image du premier ministre. Ce type de propagande se forge par l’infantilisation de la population jugée, consciemment ou pas, incapable d’analyser des idées ou des propositions politiques; on réduit les gens à se reconnaître dans la personnalité du chef, point à la ligne. Ne cherchons pas l’ombre d’une idée ou d’une position du premier ministre sur des enjeux cruciaux (changement climatique, services de santé, éducation, immigration, racisme, relations avec les Premières Nations, etc.). Aucun contenu, sauf le mirage.

Troisièmement, il suffit de quelques mots-clés pour convaincre : écouter et agir. Ce message général se moule dans le sens des propos convenus du premier ministre qui se complaît à répéter qu’il gouverne en s’appuyant sur les opinions de la nation… parce qu’il l’écoute. On exploite ce thème ad nauseam; en résumé, les député.e.s sur le terrain écouteraient et informeraient le chef au sujet des desiderata de la nation, tout simplement. À son tour, le chef les écoute et traduit en acte la volonté de la population. Magie! On reconnaîtra là l’éloge solennel du ministre Christian Dubé à l’égard de son chef. En d’autres termes, on évoque une convergence totale entre les idées et les valeurs de la nation et le premier ministre. Selon les dévots députés, ce dernier incarnerait la voix du peuple. On croit poindre le nationalisme identitaire à la couleur caquiste. C’est pourquoi il est normal que le pouvoir soit concentré entre ses mains, répète-t-on en chœur, sans le dire ouvertement. Rappelons la stratégie du premier ministre qui, tout au long de la gestion de la pandémie, a géré par décrets et n’a laissé place à aucun débat avec les partis de l’opposition.

Quatrièmement, par essence, la propagande politique est une stratégie offensive pour présenter un ensemble d’idées simples, dans un refrain monocorde, à l’ensemble de la population; l’objectif vise à la forger et à l’amener à adhérer à la valeur intrinsèque d’un personnage, ce sans considération aucune de ses véritables caractéristiques. Le peuple devrait donc faire un acte de foi à l’égard du premier ministre, dit-on essentiellement dans les capsules publicitaires. Pas de questions, s’il vous plaît. Il est l’homme de la situation, parfait et vertueux. Kim Jong-un n’en demanderait pas tant…

À lui seul, François Legault incarnerait la nation. « Un homme, une nation » deviendra-t-il le slogan de la CAQ? À l’inverse, dans un deuxième temps de cette stratégie propagandiste à l’égard d’adversaires, on utilisera probablement, des images, des situations, des histoires, des symboles et des propos qui suscitent méfiance, dégoût voire le rejet. Dans les deux cas, on fait appel à des émotions collectives. La construction de l’image de Donald Trump a fourni une illustration incomparable des abus de discours pour discréditer les adversaires et mettre en valeur Trump comme président proclamé porte-voix du « vrai monde ».

En somme, la propagande politique fonctionne avec l’idée que les foules sont moins sensibles aux raisonnements qu’aux sentiments excessifs, aux simplismes et aux « idées images », estime David Colon dans son livre « Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain. » La CAQ a bien compris ce principe et elle ne s’en prive pas. En bout de piste, l’accès au pouvoir reste l’objectif ultime et beaucoup de gens votent sur l’image qu’on leur présente…

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