Article paru dans l’Aut’Journal (20 janvier 2023) et dans Presse-toi à gauche!
En lisant l’article du journaliste Stéphane Baillargeon présente le compte-rendu d’un essai récent de Jules Bizimana, Communiquer la « mission ». L’armée canadienne et les médias intégrés en Afghanistan (PUQ) dans Le Devoir du 12 janvier, un passage attire mon attention : « Les armées et les gouvernements ne peuvent pas mener de conflits sans le soutien de la population. Si la conduite de la guerre n’est pas menée de façon responsable, le soutien s’effrite, et le gouvernement met un terme aux opérations. » C’est ce qui se passe actuellement; le gouvernement canadien a chaussé les bottes de l’OTAN dans la guerre en Ukraine, ce sans véritable débat, mais aussi en utilisant massivement tous les leviers de la propagande pour créer la conviction qu’il faut toujours plus d’armes. Le gouvernement canadien a manœuvré pour obtenir facilement un soutien inconditionnel. Des milliards de dollars en achats d’armes (avions de chasse, chars blindés, etc.) s’envolent, en conformité avec les demandes de l’OTAN sans qu’on trouve à redire. Silence.
Comme le souligne David Colon dans son livre Propagande (Flammarion – 2019) : « La propagande est indissociable de l’exercice du pouvoir, puisqu’il s’agit pour le souverain d’obtenir le consentement, formel ou réel, à l’impôt, à la guerre… » Les tactiques de communication propagandistes sont très simples : identifier un ennemi diabolique, cruel (le méchant tyran – Poutine) qui mène une guerre sale (on étale les affres de la guerre à plein écran) et un protagoniste (le bon héros -Zelinsky) qui joue dans une guerre propre (on camoufle son action guerrière) lequel, valeureux patriote, souffre et domine toutes les scènes médiatiques et politiques. En d’autres termes, dans les médias, on fait la promotion d’une culture guerrière à partir de schémas de communication simplistes préconçus et rodés, bien avant la guerre en Ukraine, dans d’autres conflits. L’objectif reste toujours le même, tout justifier sommairement et tout faire avaler dans l’indolence et la complicité tacite, attitudes généralisées dans la population indifférente à la militarisation. Les scènes de guerre déroulées en continu à la télévision bouleversent sur le plan émotionnel et semblent entraîner les gens à ne voir qu’une solution : la force armée. Silence.
Quant aux partis d’opposition, ils sont trop occupés à leurs débats partisans au sujet des affaires courantes… À leurs yeux, les enjeux de la militarisation au pas de course ne méritent pas un débat rigoureux sur l’avenir militaire du Canada. Les questionnements critiques deviennent impossibles. La propagande fait son œuvre efficacement. Personne ne pense relever le gant devant l’affront qu’est l’infantilisation des citoyens et des citoyennes. Personne n’ose dire, même timidement : et si on discutait de la signification de la paix pour le peuple canadien… La paix est devenue le mot en « p » qu’il ne faut pas prononcer. Silence.
Pourtant, le Canada a tellement besoin de redorer son blason sur le plan du développement dans le sens de la culture de la paix telle que préconisée par l’ONU lors de son Assemblée générale (résolution A/52/13 – 1998) : « La culture de la paix correspond à un ensemble de valeurs, d’attitudes et de comportements qui rejettent la violence et inclinent à prévenir les conflits en s’attaquant à leurs causes profondes et à résoudre les problèmes par la voie du dialogue et de la négociation entre les personnes, les groupes et les nations.» Au Canada, le gouvernement ne semble pas connaître cette résolution… Silence.
Aujourd’hui plus que jamais, quand il est question de la guerre et de la militarisation et, comme le mentionne monsieur Bizimana : « Il faut vraiment faire attention pour ne pas se faire berner par une fake news… »
Merci, cher André, pour cet envoi bien propice à susciter la réflexion. La mienne de réflexion aboutit à un douloureux questionnement : si le Canada, la France ou d’autres pays avaient pris le temps d’un débat démocratique (dans quel cadre ?) préalable à l’engagement militaire aux côtés de l’Ukraine, est-ce que cela n’aurait pas permis à Poutine de mener à bien son « opération spéciale » dans les délais qu’il envisageait ? Et nous serions aujourd’hui désolés et « solidaires à distance » d’une population asservie à un dictateur. La culture de paix évoquée par la résolution de l’ONU suppose un consensus partagé minimal et je crains que cela ne soit pas le cas. Comme ce ne le fut pas en 1938-39 quand la France et le Royaume Uni tentèrent de négocier avec Hitler, abandonnant la Tchécoslovaquie pour « sauver » la paix. Scénario identique en Afghanistan devant les talibans et on sait le prix que paient les femmes dans cette tragédie. Idéalement, tu as raison. Mais la réalité humaine est là. Fraternellement, Jean Loignon