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Et si on préparait la paix?

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

24 mars 2022

Le devoir, 23 mars 2022

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/689802/idees-et-si-on-preparait-la-paix?fbclid=IwAR3UwWOaWNGaeALTxt3TeoG5D0puBt6V_zBfk5da6VM77YzA145TZhIunLY

André Jacob

À juste titre, dans son éditorial du Devoir du 22 mars, Guy Taillefer souligne en rouge « la banalisation de la violence dans les relations internationales ». À ce stade-ci du conflit Russie-Ukraine, dans les discours officiels, force est de constater que le discours guerrier domine en tout.

En boucle et en continu, les médias relaient une masse d’informations que l’on peut regrouper sous divers angles :

1. un fatras de scènes au contenu violent ou à caractère dramatique sensationnel avec des protagonistes susceptibles d’attirer la pitié ;

2. les dirigeants politiques qui rabâchent ad nauseam la menace extérieure et suscitent la peur ;

3. les assertions ciblées, voire hystériques, destinées à diaboliser Vladimir Poutine de mille façons et à le faire juger par le tribunal de l’opinion publique ;

4. les impératifs de la défense qui commanderaient la croissance des budgets militaires.

Ces lignes d’information se reflètent dans le consensus populaire sur la nécessité de répondre à la violence par la violence. Bien sûr, l’aide humanitaire doit occuper une place prépondérante à la lumière des exactions commises contre la population ukrainienne, mais pourquoi laisser parler les canons sans entreprendre des pourparlers de paix de toute urgence ? À l’exception de quelques « experts », peu de gens parlent de la recherche de la paix. La culture guerrière reste dominante.

Dans le contexte actuel, cette banalisation de la violence soulève un malaise éthique. On semble oublier que la recherche de la paix passe par d’autres voies que l’augmentation exponentielle en continu des armes dans le conflit en cours. La pensée unique fondée sur la haine de l’ennemi et la soif de victoire repose sur une vision manichéenne et simpliste du monde, à savoir que nous sommes du bon côté de l’histoire, celui des sempiternels gagnants depuis des siècles marqués par le colonialisme occidental seriné comme modèle du développement, de la démocratie et du paradis de la liberté.

Pour une culture de la paix

Au début du XXe siècle, en raison du drame inoubliable de la Première Guerre mondiale (1914-1918), plusieurs penseurs et éthiciens ont lancé l’idée du développement de la culture de la paix par l’éducation de masse. Pourtant, ce n’est qu’en 1998 que l’Assemblée générale des Nations unies (résolution A/52/13) a poussé plus loin l’idée de travailler à bâtir une culture de la paix définie ainsi : « La culture de la paix est un ensemble de valeurs, d’attitudes et de comportements qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États. »

L’UNESCO, porteuse du dossier, spécifie que la culture de la paix implique un ensemble de responsabilités éthiques sur les plans social et politique.

Dans cette perspective, pourrait-on dire que le conflit en Ukraine aurait pu être évité ? Peut-être bien. Dans le cas où nous pourrions réécrire l’histoire, soulevons l’hypothèse suivante : si, après le démantèlement de l’URSS, l’OTAN (une alliance militaire, ne l’oublions pas) avait décidé de maintenir un dialogue permanent avec la Russie au lieu d’entrer dans une dynamique d’assemblement des pays limitrophes de celle-ci dans ses rangs, la situation de l’Ukraine serait peut-être différente aujourd’hui. D’ailleurs, cette stratégie de conquête de la part de l’OTAN était contraire à l’entente entre les États-Unis, l’OTAN et l’ex-président de l’URSS Mikaël Gorbatchev.

Il ne s’agit là que de spéculations. Un fait demeure toutefois : le maintien des bases militaires de l’OTAN, notamment en Lettonie et en Ukraine, démontre clairement que l’Alliance atlantique a toujours considéré la Russie comme un ennemi contre lequel il fallait se défendre. Dans cet esprit, l’escalade des tensions a ressemblé à la dynamique de la guerre froide et a conduit, lentement mais sûrement, à des préparatifs de guerre des deux côtés.

Étant donné la dynamique actuelle sur le champ de bataille, il s’avère très urgent de prendre le risque de la paix par la négociation. La paix a beaucoup plus de sens pour tout le monde que la violence armée.

Commentaires :

  • Catalina Ferrer Landeta
  • Excelente artículo. Importante hablar de la educación a la paz en estos momentos en los que predomina el discurso guerrero, como muy bien lo señalas.
  •  
  • Gisèle Turcot
  • Oui, que les intelligences partout sur la planète cogitent sur les moyens et les chemins de la paix, au lieu de servir la dynamique guerrière.
    Je ferai circuler ton article parmi les membres des Antennes de paix.
  • Pierre Jasmin

Merci beaucoup, André, notre ambassadeur de paix!

  • Sans doute qu’un de leurs nombreux éditorialistes va-t-en guerre proches du pouvoir prépare déjà sa réponse à l’aide de la maxime « si tu veux la paix, prépare la guerre… »
  • Ceci dit, j’aime bien leur titre et leur photo avec des manifestants jeunes.
  • Mais j’aime encore mieux l’article!!
  • J’ai regroupé cela en annexe, plus facile à transmettre que leur invraisemblable url fait de 110 lettres et 16 chiffres…

Hassiba Idir

Un article percutant et qui donne à réfléchir !Je n’arrêtais pas de me poser les mêmes questions. On ne fait que vendre des armes de guerre , mais jamais un processus de PAIX. Merci pour cette contribution!

  • Yves Corbeil – Inscrit 23 mars 2022 06 h 14

Dit plus simplement

La diplomatie fut absente de ce dossier depuis le tout début. Et la suite est une catastrophe humanitaire alimenter par la fourniture d’arme à une armé et ses mercenaires plus pauvres que les forces armés canadiennes réunis et une parade de gros bras à la frontière de la Russie et de l’Ukraine, quel gâchis humanitaire et quel inutilité de l’organisme des nations unis.

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  • Cyril Dionne – Abonné 23 mars 2022 07 h 35

Merci

Ce sont des lettres comme celle-ci qui me redonne foi en l’humanité et un espoir que cette guerre en Ukraine se règle au plus vite.

Oui, tous les chaînes de télévision avec leurs clowns qui font du commérage dans un effort de propagande évident, nous présentent des scènes à faire réagir notre émotivité au lieu de faire appel à notre sens critique et du pourquoi. Bon, avec un acteur et communicateur professionnel, ils essaient de nous faire croire que c’est nous qui allons être les prochains, vu que les Ukrainiens nous ressemblent tellement. Il faut faire peur parce que de cette façon, les gens ne réagissent pas de façon rationnelle.

Encore une fois, on fait appelle au triangle de Karpman qui est à la base des jeux psychologiques de manipulation de la communication. L’Ukraine, la victime, la Russie, le bourreau et l’Occident, le sauveur. Une réponse simpliste et manichéenne à un problème complexe qui contient autant de teintes grises que de réponses. Évidemment, à la fin de l’exercice, on essaie de nous convaincre qu’il faut accroître nos dépenses militaires au grand plaisir du complexe militaro-industriel afin d’obtenir une certaine sécurité.

Fournir des armes à l’Ukraine est la meilleure façon de mettre l’huile sur le feu de la guerre, augmenter la destruction et le nombre de victimes et prolonger le conflit. Dans tous les guerres, les héros partagent tous quelque chose en commun, ils sont morts. On banalise la violence, nous les Occidentaux aux accents colonialistes, qui avons amené guerre et destruction partout sur la planète.

Ce qui est stupéfiant et incompréhensible, c’est que les gens dit de gauche ici ont le même discours que les va-t-en-guerre professionnels américains. Oui, on peut juxtaposer leurs discours avec ceux des Tony Blair, George W. Bush et Dick Cheney et les faucons du Congrès américain et c’est un copier-coller. La plupart des gens de gauche qui font des commentaires dans ce journal répètent le même mantra des chiens de guerre.

  • Raymond Chalifoux – Abonné 23 mars 2022 07 h 59

« Qui veut la paix… »

Un éditorial en béton (ARMÉ!) de l’un des plus grands experts de la Russie, des pays du Bloc de l’Est et des relations d’abus vécues durant des décennies par ces derniers, bref, un papier à lire ABSOLUMENT:

https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/03/how-democracy-can-win-ukraine/627125/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=atlantic-daily-newsletter&utm_content=20220322&utm_term=The%20Atlantic%20Daily

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  • Pierre Rousseau – Abonné 23 mars 2022 08 h 11

Realpolitik!

Absolument d’accord sauf que la réalité est bien différente. La violence est intrinsèque dans la plupart des cultures dans le monde et regardez tout simplement notre système pénal où toute la procédure quoique orale est passablement violente entre la poursuite et la défense et où le résultat est souvent enrobé de violence quand on emprisonne les gens dans un environnement bourré de criminels. Notre culture est encore empreinte de violence et il ne faut pas s’étonner que cela transpire dans les relations internationales.

Les efforts internationaux ont commencé avant la seconde guerre mondiale avec la Société des Nations mais cela n’a pas empêché les dictateurs Hitler, Mussolini et Staline de se payer une autre guerre mondiale hégémonique. Nous sommes revenus à la charge après cette guerre mais le naturel revient au galop et vous pouvez tenter de négocier autant que vous voulez avec des dictateurs, vous allez la plupart du temps heurter un mur. Poutine est un bon exemple où il ment comme il respire et où ses promesses ne valent absolument rien sauf quand il rêve à recréer l’URSS.

Alors, la paix signifie ici de livrer l’Ukraine au dictateur et la décapiter de ses dirigeants qu’il qualifie de nazis. Il n’est pas exact de prétendre qu’il n’y a pas eu de pourparlers de paix avec le dictateur: plusieurs chefs d’état l’ont fait et il y a eu des discussions au niveau des diplomates mais cela n’a pas empêché Poutine d’attaquer un pays indépendant avec une armée fort supérieure en nombre. On peut s’écraser devant un dictateur au nom de la paix mais les conséquences peuvent être aussi graves que se tenir debout et de venir en aide aux victimes d’une attaque guerrière complètement illégale en droit international.

Alors la paix, oui, certainement, mais ne sommes-nous pas encore au temps de César, «Si vis pacem, para bellum» ?

Hélène Somma

Merci à Monsieur Jacob et au Devoir pour cet article encourageant! Nous étions désolés de n’entendre que de l’agressivité, rien de positif, le mot PAIX était absent. Merci pour ce réconfort, en espérant que des chefs d’État responsables s’en inspireront.Hélène Somma

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