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La banalisation de la violence folle et gratuite n’a pas de raison d’être.

par André Jacob

Travailleur social et sociologue, professeur retraité de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal. Tout au long de ma carrière universitaire, j'ai mené une carrière artistique, tout particulièrement en arts visuels.

4 juin 2021

Un joueur attaque un joueur d’une équipe adverse d’une façon vicieuse et brutale capable de blesser gravement (au risque même de tuer) et, officiellement, on dit que ça fait partie du jeu. La punition ridicule est indéfendable et injuste en comparaison des blessures infligées. Le joueur qui agit avec violence en portant fièrement l’uniforme d’une équipe professionnelle serait poursuivi en raison du code criminel (voies de fait, tentative de blesser, etc.) s’il agissait de la même manière sans un accoutrement qui lui accorde l’impunité. Quelle logique paradoxale!

Les dirigeants des équipes de cette ligue évoquent le fait que la violence fait partie du spectacle, lequel ne serait pas aussi rentable sans les bagarres et les coups vicieux spectaculaires qui font la une des médias – le silence gênant du club Canadien de Montréal en dit long.  En outre, le peuple réclamerait ce type de comportement sur la glace. De fait, le hockey nord-américain est le seul sport-spectacle professionnel qui non seulement accepte la violence, mais en fait la promotion sur la glace d’un aréna. Il s’agit là d’une position intolérable et fausse, car beaucoup de spectateurs et spectatrices suivent les matchs d’autres sports professionnels qui ne tolèrent pas la violence, même quand la robustesse fait partie du sport (football américain, rugby, soccer, basketball, par exemple). Et les ligues professionnelles de tels sports sont aussi rentables que le hockey.

Dans les autres sports professionnels, c’est tolérance zéro. Au soccer, par exemple, l’arbitre d’un match peut expulser directement un joueur avec un simple carton rouge s’il estime qu’il a agi trop violemment; de plus, l’athlète fautif écope d’une suspension automatique d’au moins un match.

Cette banalisation de la violence dans le hockey professionnel nord-américain constitue une véritable honte et l’expression ouverte de la stupidité de politiques et de stratégies de commercialisation dépassées. Devant de tels exemples, comment enseigner à des jeunes l’importance de pratiquer proprement un sport aussi passionnant que le hockey sans violence quand on tolère des spectacles aussi dégradants que ceux de la LNH?

Les joueurs de hockey professionnels sont perçus comme des vedettes et des influenceurs; ils devraient se lever fermement et se montrer dignes de leur sport et combattre la violence malgré la volonté explicite des dirigeants de la LNH de la maintenir. C’est aussi dans leur intérêt strictement sur le plan de leur santé et de leur sécurité. Si des athlètes professionnels ont pris position pour soutenir le mouvement Black lives matter, ils pourraient se lever pour dire non à la violence. Tolérance zéro devrait être leur mot d’ordre. Le discours le plus désolant à entendre provient trop souvent des joueurs eux-mêmes : ça fait partie du sport… FAUX! Les spectacles n’en seraient que meilleurs et plus dynamiques; au hockey international, cette règle existe et les matchs sont souvent passionnants en raison de l’adresse et de la finesse des jeux des athlètes.

L’Antiquité est loin dans le temps, mais malheureusement, les fantômes des empereurs romains semblent toujours rôder dans l’esprit des dirigeants de la LNH. Dans l’Antiquité, environ vers l’an 100 av. J.-C., estime-t-on, les empereurs romains auraient initié les combats violents entre gladiateurs dans des arènes. Ces jeux devenus extrêmement populaires permettaient aux empereurs d’amuser le peuple en même que de leur enseigner l’art de tuer et d’utiliser la violence comme symbole et outil de domination. Cette époque est révolue, sauf dans la LNH.

Violer la dignité et l’intégrité physique d’une personne ne passe plus la rampe dans un spectacle sportif moderne. Utiliser la violence gratuite et barbare pour afficher la supériorité ou la domination sur un adversaire ne repose sur aucune justification sérieuse.

Dans une société, promouvoir l’harmonie et le respect, y compris dans la pratique d’un sport professionnel, devrait représenter une valeur assumée aux fins d’un vivre-ensemble pacifique tant chez les athlètes que chez les spectateurs.trices. La non-violence, ça s’apprend.

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