Article paru dans Le Devoir (17 juillet 2024).
Suite à mon article, Jean-Claude Ravet publie « Violence politique et violence du sacré mènent toutes deux à l’instrumentalisation de l’humain. » Le Devoir, 22 juillet 2023
Dans son éditorial dans le Devoir du 16 juillet, Guy Taillefer résume bien la réaction de Trump et de ses béni-oui-oui à la tentative d’assassinat de Donald Trump. La scène qui montre la réaction immédiate du prétendant à la présidence des États-Unis relève du cinéma hollywoodien; il quitte la scène, du sang au visage, le poing levé et hurlant : battez-vous! Battez-vous! Battez-vous! Scène surréaliste.
Dans cette foulée, commente l’éditorialiste, « Trump lui-même n’a pas été long dimanche à se glorifier sur son réseau Truth Social : « Dieu seul a empêché l’impensable de se produire. » À échapper à la mort et à avoir eu l’instinct, par sens du spectacle, de rebondir sur-le-champ, l’oreille écorchée et le poing levé, il n’aurait guère pu rêver de scénario plus utile à sa campagne électorale et à la bête de cirque politique qu’il est. (…) Trump et sa clique ont vite fait de récupérer politiquement la tentative d’assassinat. Elle présente à cet agresseur une nouvelle façon, inespérée, de se victimiser. L’attentat vient se jouxter à la « persécution judiciaire » dont il se dit la proie. »
Tous les dictateurs du monde rêvent de vivre une telle scène de consécration sous la protection divine. Hitler, quand il fut victime de tentatives d’assassinat déjouées ou organisées pour être déjouées, a récupéré de telles situations pour hausser sa cote d’homme fort. L’effet dramatique leur donne une aura d’invincibilité et renforce leur crédibilité aux yeux des individus qui croient profondément à leurs pouvoirs et à leurs vertus d’inspiration divine. D’ailleurs, à la Convention républicaine, D. Trump sera plus que couronné, il sera déifié. Sur le plan des communications, il laisse monter la ferveur en pratiquant l’attente de son apparition devant ses dévots. Scénario parfaitement réglé. On le présentera comme un combattant, un guerrier sans peur et sans reproche. Comme dans toutes les histoires d’aventures fantastiques qui finissent bien, l’image du preux chevalier, fier et croyant à sa cause, rapporte toujours des dividendes politiques. Cela dit, l’image du combattant inspire davantage une tendance au conflit plutôt qu’à celle de la paix.
Son colistier, J.D. Vance, né d’une mère monoparentale pauvre, joue bien son rôle de parvenu, et de fervent prophète; sorti de la misère à force de travail, il incarne le Jean-Baptiste précurseur de la venue de sauveur. Là aussi, l’abus de l’imagerie chrétienne devient manifeste, même si elle peut paraître inconsciente; comme Jésus né démuni, le vice-président a réussi à atteindre la richesse et maintenant il peut prêcher le salut à venir grâce à l’apparition du sauveur ressuscité. De son côté, son maître, Donald Trump, a bénéficié des faveurs divines dès sa venue au monde. Et maintenant, croyez parce qu’il se présentera à nous, ressuscité, en chair et os, pour nous sauver. Et les croyant.e.s du trumpisme peuvent chanter les louanges du héros de leur religion de l’heure, car il propose la foi absolue aux dogmes du libéralisme économique débridé supposé sauver les pauvres et les orphelins de leur condition… Grâce à Dieu, le bonheur est à la portée de tous et de toutes.
Je vous le prédis, bientôt Trump va marcher sur les eaux troubles des politiques xénophobes, homophobes, antiavortement, injustice sociale, etc. Voilà la vérité!
À l’ouverture de la convention républicaine, plusieurs prophètes ont défilé pour étaler les préceptes de leur croyance : il n’y a que deux genres; Dieu protégera les enfants à naître (en clair, nous sommes contre toutes les formes d’avortement); il faut contrôler nos frontières contre l’invasion immigrante, etc. La liste des litanies liturgiques inspirées des croyances des chrétiens fondamentalistes ne connaît pas de limites, y compris de la part de pasteurs religieux représentants des croyances chrétiennes présents à la convention. Tous les sermons visaient à préparer la grand-messe de consécration et de glorification de Donald Trump.
À la fin de cette convention républicaine, Donald Trump, drapé du costume de l’homme-araignée, pourra grimper vers le paradis de la présidence américaine. Il pourra jouer sa comédie à sa guise pendant que ses fidèles entonneront un Te Deum… Une fois prononcé le Ite missa est, les thuriféraires « trumpistes », le poing levé à la manière de leur sauveur, entreprendront leur mission purificatrice de la société américaine. Visée : écraser les suppôts de Satan démocrates responsables de tous les maux de la société qu’ils disent vouloir corriger. Les ennemis ne sont peut-être pas ceux que l’on présente comme des suppôts de Satan tapis au-delà des frontières de la Chine et de la Russie, prêts à bondir dans le grand jeu démocratique américain… truqué.
Finalement, ce grand cirque ressemble fort à une instrumentalisation stratégique grossière de la religion chrétienne fondamentaliste à des fins d’opportunisme politique et d’un électoralisme primaire ridicule.
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