Tableau: huile sur toile (André Jacob)
Article publié dans l’Aut’Journal du 17 février 2023
Il faut des armes! Ainsi se chante le nouvel appel à une militarisation accrue du Canada. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens sont bons. Deux événements récents fournissent des occasions rêvées pour renforcer l’adhésion massive à la poursuite de la guerre : le chargement des chars « Leopard » dans des avions-cargos et le passage de ballons de quelques mystérieux ballons dans l’espace nord-américain.
La semaine dernière, les médias enrichissaient la une de leurs plates-formes avec des images des chars monstres s’engouffrant dans la gueule d’un avion-cargo, en douceur, comme des éléphants de cirque inoffensifs bien dressés. Mais ne nous y trompons pas, ces machines n’ont qu’une destinée, détruire et tuer, même si l’avalanche d’informations montre, jour après jour, les destructions russes en passant sous silence celles des armes de l’OTAN à l’œuvre sur le champ de bataille ukrainien. D’une certaine façon, l’impression est donnée que les forces ukrainiennes mènent une guerre juste et propre, sans bavures aucunes. Illusion. Toutes les informations vont dans le sens de garantir la poursuite de la guerre… vers la victoire, toujours illusoire, chantent les thuriféraires de la militarisation maximale et de la guerre.
Cette intervention médiatique semblait d’une banalité déconcertante, sans intérêt sensationnel. Alors, pourquoi en avoir fait la promotion dans tous les réseaux médiatiques? D’une pierre deux coups dans la poursuite d’objectifs liés : 1) encore et encore jusqu’à satiété, apporter quelques points de plus à la stratégie de promotion de l’adhésion populaire à la guerre en Ukraine; 2) et surtout, insidieusement, laisser entendre que le Canada a besoin de plus en plus d’armes. Dans la démarche de militarisation à marche forcée, on présente l’augmentation des forces de frappe comme une opération obligée, inéluctable, déterminante pour la victoire de cette guerre et pour la sécurité du Canada. Sous-jacent à cette lubie, ne nous trompons pas, la présentation de l’étalement de cette lente démarche des chars vers le champ de bataille en Ukraine s’inscrit dans l’ensemble des opérations de propagande de l’OTAN.
Dans un autre ciel, la chasse aux mystérieux ballons dans l’espace par des avions-chasseurs offre une autre belle occasion de marquer des points dans ce match à sens unique vers la croissance de l’arsenal destructeur canadien. En prime, on bonifie le message de diabolisation de la Chine, stratégie claire de caractérisation du futur ennemi… L’occasion est belle pour pousser plus loin encore l’argument de la militarisation programmée. Les ténors du Parti conservateur du Canada hurlent cet appel sur tous les tons, profitant de l’alerte aux mystérieux ballons qui ont traversé l’espace nord-américain au cours de la dernière semaine. À les entendre, on croirait que des pluies de bombes vont nous tomber sur la tête si le gouvernement canadien ne s’empresse pas de doter les forces armées canadiennes d’armes de plus en plus nombreuses et toujours plus sophistiquées et éminemment meurtrières. Les autres partis de l’opposition entrent aussi dans la danse d’un air contrit en proclamant la nécessité de la sécurité du pays qui n’aurait pas d’autres issues que l’augmentation des dépenses militaires, lesquelles semblent avoir un plafond pas mal plus élevé que celui des dépenses pour l’amélioration des investissements dans l’amélioration des services de santé.
Dans un tel état d’esprit généralisé, on est loin de la recherche de la paix. Comme le souligne David Colon dans son essai « Propagande » : « l’image d’un adversaire diabolique et barbare participe de la construction d’une image acceptable de fait même de tuer l’ennemi… (p. 258) ». C’est plus que symbolique. La masse en vient à penser qu’il faut tout faire pour éliminer l’ennemi. Cette adhésion à la brutalité guerrière se situe aux antipodes de la recherche d’une négociation pour la sortie d’un conflit envenimé comme celui qui se vit en Ukraine. Pourtant, un jour ou l’autre, une approche pacifiste dans la recherche de solutions au conflit devra s’imposer même si, mentionne Colon, « les intellectuels hostiles à la guerre peinent à trouver un espace d’expression… (p. 259) »
En conclusion, une autre dimension importante s’ajoute au dossier : il faut rappeler que l’acceptation sans condition de l’escalade de la militarisation ne s’arrête pas à des avions et des chars, elle concerne aussi la reconnaissance des armes nucléaires. Le Canada est un des rares pays outre les pays détenteurs de ce type d’arme qui n’a pas signé le Traité des interdictions des armes nucléaires (TIAN) même si le pays n’en compte pas dans son arsenal. Mais, comme le répète souvent le premier ministre Trudeau : il faut être solidaire de nos alliés… Matière à réflexion.
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